Le Scarabée
Masquer la pub

A moins de 4, je zappe !

par ARNO*
mise en ligne : 24 septembre 1996
 

Si vraiment la télé était si violente et bourrée de sexe, je la regarderais plus souvent !

DECIDEMENT, qu’est-ce qu’on fait comme économies, en ce moment ! Le CSA vient, à nouveau, de prendre une décision qui permet de faire l’économie de la très nécessaire réflexion sur la violence à la télévision. Dès novembre, les chaînes indiqueront le « taux » de violence et d’érotisme pendant les programmes, un taux noté de 1 (tout public) à 5 (coïtus ininterruptus). Tout cela pour préparer, certainement, la future puce autoblocante sur les téléviseurs (coïtus interruptus).

Les très saintes Familles de France et Télérama vont sans doute se réjouir de cet immense progrès pour la protection de l’enfance. Pour ma part, je me joins au concert des applaudissements, pour saluer l’incroyable connerie de la mesure.

Pour commencer, rappelons que l’accoutumance à la violence télévisée est une notion absolument pas démontrée, sur laquelle sociologues et psychologues n’arrivent pas à s’entendre. Hervé Bourges décide donc tout seul (tant mieux pour lui, tant pis pour les autres). Remarquons simplement que, malgré les Rambos, films d’horreur et autres thrillers sanglants, les images d’un assassinat, d’un charnier ou d’un attentat nous sont toujours insupportables. Malgré les fictions soit-disant de plus en plus violentes, la mort réelle nous apparaît encore choquante.

Son influence sur la violence des cités et dans les écoles ? C’est encore à voir... la violence est-elle engendrée par la télé, ou par l’ambiance de ghetto des crimes urbanistiques que sont les grands ensembles ? La violence est-elle visuelle et à l’écran, ou bien présente, quotidienne, oppressante, quasi-carcérale dans les cités ?

Le sexe à la télé ? La belle tarte à la crème ! Qu’est-ce qui fabrique un pédophile (puisque c’est le problème) ? Est-ce le porno de Canal +, ou bien l’exhibition d’une gamine de 14 ans maquillée comme une voiture volée se déhanchant à côté d’un Joe, taxi de son état, et doté d’un énorme saxophone ?

Voilà qui nous amène à la plus belle invention de la mesure du CSA : chiffrer la violence et le sexe. Encore plus débile, hypocrite et irréalisable que l’antique carré blanc ! Le Pen éructant à 7 sur 7, combien de points ? Un documentaire sur les camps de concentration, combien de points ? Michael Jackson qui dance avec un gamin, combien de points ? Le meurtre d’un curé vaut-il plus de points que celui d’un civil ? Un cheval noir montant une jument blanche, c’est pire qu’une pub dénudée pour un gel douche ? Comment classer les films qui dénoncent la violence par l’outrance et la parodie ? Franchement, je suis impatient d’assister au massacre !

Au passage, juste un petit mot pour rappeler le fameux auto-collant « Parental advisory » sur les disques de rap : indispensable de l’obtenir si on espère un succès commercial !

Et bien entendu, rendez-vous dans 6 mois pour les tableaux comparatifs entre les chaînes et leur taux de violence désormais chiffré. Statistiques qui s’ajouteront à l’audimat pour le plus grand bien de la lobotomisation télévisuelle. Gageons également que, grâce à ces chiffres, les pressions des reéacs familles de France trouveront un fondement mathématique : trop de violence, et c’est prouvé par a+b !

Si tout cela ne touchait que la télé, on pourrait simplement sourir. Mais rapidement le syndrome du politiquement correct (puisque c’est de cela qu’il s’agit) touchera le cinéma, dont les chaînes de télévision sont les principaux producteurs. J’ai déjà moins hâte d’assister au massacre...

La vraie violence à la télé, c’est l’insoutenable insulte à notre intelligence, la mise en scène purement mercantile de nos désirs, les manipulations quotidiennes de l’information-spectacle. Hop, je zappe !

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