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Exclusif : l'arbitre sniffait la ligne de touche !

par ARNO*
mise en ligne : 6 avril 1997
 

Et Bernard Lama fumait le gazon.

Le foot, je m’en tape. Vous n’imaginez pas à quel point je m’en tape... Vous m’auriez demandé, la semaine dernière, qui est Bernard Lama, je vous aurais répondu « un footeux », pas plus. Quel poste, quelle équipe, aucune idée. (Pour les ignares dans mon genre, Lama est le gardien « numéro 1 » de l’équipe de France.)

L’affaire fait grand bruit depuis quelques jours : Bernard Lama, star du foot, mannequin, danceur, jouisseur, beau gosse idole des fillettes, est convaincu de dopage ! Un sale gros déguelasse d’athlète stéroïdé-anabolisé, dopé aux globules rouges, la honte du sport national...

Voui, voui... et à quoi s’est-il dopé ? Hein ?

Au cannabis ! Au haschisch ! Au pétard ! Au trois-feuilles artisanal ! A l’herbe qui rend idiot ! Pas de chance donc pour Lama : il n’y a guère qu’en France que le cannabis est considéré comme un produit dopant.

Allez, on veut bien reconnaître que la fumette, c’est pas bien (de toutes façons, il m’est légalement interdit de dire le contraire), mais de là à la considérer comme du dopage... Par le passé, je me suis livré à l’expérience scientifique suivante : un match organisé entre une équipe de jeunes à jeun contre une équipe de rouleurs fous. Devinez quoi : malgré leur puissant dopant (et l’épais brouillard qui masquait leurs buts), les spécialistes du roulé-maison se sont fait laminer. CQFD : le cannabis n’est pas un produit dopant, ça scie les jambes et puis ça fait tousser (et essayez donc de courir sans en mettre partout).

Alors du coup, on mélange tout. La raison d’un tel classement change : si le haschisch est déclaré dopant, c’est parce qu’il ne faut pas que nos sportifs donnent un mauvais exemple aux jeunes (qui ne les ont pas attendus). Logique. Dans ce cas toute activité « un peu » illégale, susceptible de donner le mauvais exemple à notre belle jeunesse, doit être classée « produit dopant ». Par exemple, tromper sa femme, se garer sur les clous, ne pas payer sa redevance télé... ce sont de mauvais exemples pour la jeunesse, c’est donc à classer dans la catégories « dopage » avec les anabolisants et autres poisons, et donc ça devrait entraîner une suspension.

Finalement, c’est plutôt marrant de voir les tenants de l’ordre moral s’attaquer au sport, et en particulier au foot. Le foot, la pompe à fric où toute morale a disparu depuis longtemps. Et ça tombe pile au moment où l’Etat vient de prendre une décision totalement immorale à l’égard du football : les joueurs sont dorénavants considérés comme des artistes-interprètes, afin de réduire les charges fiscales des clubs. Hallucinant : tous les industriels délocalisent vers des cieux plus propices, on refuse des augmentations aux salariés parce qu’« à cause des charges, ça coûte trop cher », et l’on fait un monstrueux cadeau au foot. On dénonce et on supprime tous les acquis des salariés, et on subventionne encore plus le foot professionnel.

C’est ça, l’ordre moral. On ne touche surtout pas aux magouilles et à la corruption du foot, parce que ça rapporte. On ne s’attaque pas aux vrais produits dopants, car ils font gagner des médailles aux J.O. (rappelons le malaise de nombreux médecins sportifs, qui démissionnent pour ne pas cautionner l’hypocrisie du système). On ne s’inquiète pas du chauvinisme qui confine à la xénophonie des supporters et parfois des commentateurs sportifs, parce que le nationalisme, c’est pas si loin du bon ordre comme on l’aime. En revanche on se concentre sur le détail accessoire, hypocrite, mais hautement symbolique de la lutte de l’Ordre contre la chienlit.

L’ordre moral, faut se le rouler et se le fumer : on verra si ça fait courrir plus vite.

La dernière citation de Madelin pour justifier ses théories ultralibérales (véridique) : « nous sommes tous des footballeurs » ! C’est ça Alain, t’as raison... la prochaine fois viens avec ton short (et arrête la drogue).

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