Le Scarabée
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Fachos, libéraux, même combat

par ARNO*
mise en ligne : 22 mars 1998
 

Une économie néo-libérale dans une société fasciste et corporatiste : l’avenir du futur en marche.

C’est presque étonnés qu’on a vu, en premier, l’UDF s’allier au Front national ; le RPR, le parti des « valeurs communes », a apparemment mieux résisté. Puis on a vu Alain Madelin féliciter les renégats de la droite républicaine : il se place ainsi en futur chef d’un nouveau parti néolibéral allié à l’extrême-droite.

Quel rapport entre le néolibéralisme et les fascistes partisans de l’Ordnung ? Clairement, la haine anti-communiste n’est qu’un alibi ; d’ailleurs, le nouveau démon n’est plus le PCF (puisqu’il fait partie d’une gauche plurielle nettement libérale), mais l’extrême-gauche. L’extrême-gauche contrôlant la France, les trotskistes tenant Jospin, ça fait doucement rigoler.

La communauté d’esprit entre Madelin et Mégret est à chercher ailleurs... C’est par un tour de passe-passe dialectique que je vais tenter de résoudre l’équation (on va voyager).

Voici ma question : quelles sont les vraies raisons de la crise économique asiatique ? (Je vous avais prévenu, c’est un peu tordu, mais ça va nous ramener in fine à Madelin...)

On nous a parlé de « bulle spéculative », de « pyramides économiques », etc. C’est du bidon. Le bourse fonctionne sur la spéculation, ce n’est pas pour ça qu’elle se casse la gueule. Comme le disait Onc’Bernard, autant expliquer que c’est la bonne santé qui a tué le malade.

Vous vous souvenez, les grèves monstres en Corée l’année dernière ? Ce pays avait atteint un niveau économique comparable aux pays européens, tout en assurant une protection sociale et des droits du travail solides à ses ressortissants. Le FMI avait donc « conseillé » aux dirigeants du pays de casser les syndicats et de faire disparaître ces protections sociales d’un autre temps.

Le gouvernement coréen n’avait pas hésité : dans un coup de force jugé anti-démocratique, il avait fait exploser les droits des travailleurs. Pendant quelques mois, les Coréens sont donc descendus dans la rue, grèves, manifestations, émeutes, pour défendre non seulement leurs droits, mais aussi la démocratie. La presse mondiale avait presque systématiquement occulté l’événement.

Et voilà, quelques mois plus tard, les Coréens ont payé leur effronterie : ils veulent conserver la démocratie, ils auront la crise économique. Les fonds de pension passent par là, se tirent avec la caisse, la Corée retourne dans le camps du tiers-monde, avec une économie à reconstruire.

Un peu plus au nord, la Chine. Des camps de travail forcé, absence absolue de démocratie. Du tout bon : les chinois auront donc des investissements, de la technologie, du dynamisme économique. Ils sont communistes, c’est vrai, mais ils ont surtout la répression.

Hong-Kong, elle, avait la démocratie et l’argent. C’est beaucoup. Lorsque les financiers ont appris la fin de la démocratie, la bourse de Hong-Kong a battu des records... à la hausse. Ils deviennent communistes ? On s’en fout.

Au moins, c’est clair : le néolibéralisme déteste la démocratie, cette union de citoyens qui se réclament des droits communs. L’idéal, c’est de casser le tissu social, afin que chacun deviennent une proie facile. Ensemble, les citoyens obtiennent des droits qui coûtent cher, ils se protègent mutuellement. Isolés, abandonnés par l’Etat-providence, ils doivent pour survivre accepter n’importe quel salaire, n’importe quelle condition, consommer n’importe quel produit, vache tarée ou veau stéroïdé-anabolisé.

En cela, la structure corporatiste du fascisme est idéale. Dans la société de classes, les faibles de tous les secteurs s’unissent pour obtenir des droits (c’est le principe des grands syndicats nationaux qui fédèrent les différents secteurs de l’activité économique) : les ouvriers soutiennent les étudiants.... Avec les corporations, ce sont les plus forts de chaque secteur qui imposent les règles ; l’union ne peut plus se faire qu’au sommet, les différentes bases étant coupées les unes des autres (c’est le principe des briseurs de grèves : envoyer les ouvriers de l’automobile casser les mineurs, au motif qu’ils les empêchent de travailler).

Voilà pourquoi Madelin s’associe à Mégret : ensemble ils rêvent d’un monde mené dans l’ordre et la discipline, sans démocratie (rappelons que dans l’AMI, les Etats ont la charge de maintenir l’ordre, toutes les protections sociales étant vouées au « démantèlement »), une société où les grandes entreprises (transnationales et trans-corporations) règnent sur une foule d’individus isolés. Le fascisme comme meilleur allié du néo-libéralisme. Même Tatcher n’avait pas rêvé mieux.

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