Le Scarabée
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Faut pas pousser pépé dans l'escalier !

par ARNO*
mise en ligne : 6 mai 1997
 

Les vieux schnocks du CNRS s’accrochent à leur fauteuil... dehors les gâteux !

Atteint par la limite d’âge, le professeur Montagnier ne pourra plus travailler à l’Institut Pasteur. Fallait s’y attendre un jour, celui que les gazettes les plus audacieuses nomment « le papa du virus du Sida » (depuis les bébés-éprouvettes, les biologistes sont « papa » de quelquechose), sera bientôt un brave retraité.

Je ne parlerai pas ici du cas personnel du professeur Montagnier, car sa personnalité (intellectuel renommé, engagé par exemple dès la fin des années 50 dans le combat contre la torture en Algérie) et surtout l’importance de ses travaux dans le domaine si sensible de la lutte contre le Sida interdisent de prendre position.

Non, je parlerai plutôt des nombreux chercheurs et directeurs de labos du CNRS qui viennent de lancer, à la suite justement du professeur Montagnier, une pétition dénonçant leur mise à la retraite forcée (à l’âge légal, hein, il ne s’agit pas de retraite anticipée). Car au CNRS (organisme public), on ne plaisante pas avec la date de péremtion des vieux scientifiques, et ça les énerve.

Disons-le clairement : cette pétition est une honte ! Heureusement fort peu médiatisée, elle servirait alors d’argument supplémentaire à ceux qui veulent la ruine de cette vénérable institution qu’est le CNRS.

Passons rapidement sur l’argument humain : « si je pars à la retraite, je serai malheureux ». A la rigueur on veut bien les croire. Mais quid du malheur de leurs successeurs s’ils ne passent pas la main ? Comme dans toute hiérarchie, le départ des anciens permet aux autres de grimper les échelons. Grimper les échelons, non par goût d’un quelconque pouvoir, mais pour un peu plus de liberté dans la façon de mener ses recherches. La retraite du patron d’un labo, c’est l’accession à ce poste d’un quadra « méritant », un dynamisme nouveau et pourquoi pas de nouvelles orientations. C’est (c’est très con à dire) le cycle normal de la vie.

En réalité, l’argument le plus détestable est celui-ci : en se privant des très expérimentés anciens, on provoque une baisse générale du niveau. Alors quoi ? Nos éminents scientifiques croient que la population française subit, de génération en génération, une baisse des capacités mentales ? C’est génétique ? C’est la pollution ? C’est la faute à la télévision qui rend con ? C’est la dilution spermatique ?

Deux explications à cet argument. La première, la plus crédible : le niveau ne baisse pas, les successeurs sont aussi bons que leurs aînés, les signataires se font des illusions. Or le comportement qui consiste à répéter « c’était mieux avant » et à croire que « les jeunes ne savent plus réfléchir comme de mon temps », c’est un des symptomes du gâtisme. Dans ce cas la retraite se justifie pleinement : dehors les gâteux ! Détail amusant : on peut déceler parmi les signataires nombre de chercheurs ayant consacré une généreuse partie de leur carrière à la conquête de postes honorifiques, palmes et autres titres ronflants. Pas étonnant de les voir signer un document annonçant qu’ils sont irremplaçables !

La seconde explication est encore plus grave : ils ont raison, leurs successeurs n’ont pas leur niveau. Mais alors : à qui la faute ? N’était-ce pas à ces élites de former les jeunes confrères, d’assurer la transmission du savoir ? Cette transmission indispensable au progrès scientifique : ou bien faut-il que chaque génération réinvente la roue ? S’ils ont raison, les signataires ont très gravement failli à leur mission : ils ont décidé sciemment que leurs « secrets » les suivraient dans la tombe. Remboursez ! La Nation n’a pas payé leurs travaux pour qu’ils les gardent pour eux !

Au passage on fera remarquer à ces pontes (mandarins) du CNRS qu’ils donnent eux-mêmes des arguments aux partisans de la recherche universitaire contre le CNRS. Dans leur propre logique ils expliquent que le CNRS n’est pas capable de transmettre le savoir... autant alors déplacer toute la recherche vers les universités, dont c’est une des missions principales.

Donc, de deux choses l’une : les signataires de la pétition anti-retraite sont soit des gâteux aveuglés par leur propre égo, soit des chercheurs qui ont failli à leur mission. Dans chaque cas ils méritent amplement leur mise à la retraite !

S’ils veulent aller au bout de leur raisonnement, ils pourraient tout aussi bien signer une pétition contre la mort, qui tôt ou tard nous privera de leurs indispensables lumières...

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