Le Scarabée
Masquer la pub

Honte et colère

par ARNO*
mise en ligne : 12 août 1996
 

Des hommes politiques « irresponsables, mais coupables », qui chassent sur les terres de l’extrême-droite, où quand la France a honte.

Pour ceux qui ne sont pas au courant, 300 CRS (compagnies républicaines de sécurité)
ont investi, ce lundi, l’église parisienne Saint-Bernard où sont réfugiés 300 africains
sans papiers qui demandent la régularisation de leur situation, et ont embarqué les 10 grévistes de la faim. Après avoir été auscultés par des médecins militaires (moins
tenus à la déontologie et au secret médical), 7 des grévistes ont regagné l’église,
après que la presse eut été largement informée de leur état de santé. 300 miliaires
pour 300 civils, où quand l’intimidation policière, la démonstration de force frise
le ridicule.

Toujours est-il qu’il devient de plus en plus difficile d’assumer sa nationalité
française. Quand tous nos politiciens, de droite comme de gauche, nous montrent qu’ils
n’ont jamais eu la moindre once de conviction, et chassent sans vergogne l’immigré sur les terres de l’extrême-droite, c’est carrément la gerbe. De quel droit cette
droite qui a voté les infamantes lois Pasqua peut-elle encore se dire républicaine ? Comment la gauche, qui a continué la politique des charters, parlé de « seuil de
tolérance » (et autres raffinements dialectiques), peut-elle encore se revendiquer de gauche ? Comment Jean-Louis Debré, ce remugle
du terrorisme policier, ose-t-il encore se réclamer du gaullisme ? Sans être soi-même
gaulliste, on peut rappeler que le gaullisme, c’est la reconquête du territoire français avec pour base arrière l’Afrique du Nord, avec le soutien des africains des colonies,
puis c’est la reconstruction avec une main-d’oeuvre nord-africaine, c’est une décolonisation
gérée avec humanité (tout est relatif) ; les vrais gaullistes étaient des hommes de convictions (que l’on partage ou non) avec « une certaine idée de la France ».
Toutes notions totalement étrangères au néo-gaullisme de pacotille de l’actuel
pouvoir. Pour rester dans le discours gaulliste, même le plus abruti des ministres
de l’Intérieur est bien forcé de reconnaître qu’en un sens, ces grévistes de la faim
sont prêts à « mourir pour la France », et cela force l’admiration.

Tenter d’expliquer à ce sous-fifre du lepénisme conquérant que la France doit à l’Afrique
une belle part de sa richesse économique et culturelle passée, présente et certainement
future semble inutile, tant la notion est hors d’atteinte de son neurone crispé. La récente affaire de la note de Police qui réclamait des contrôles d’identité
orientés vers les tunisiens et les maliens pour remplir un charter, une affaire qui
aurait dû provoquer une vague de démissions et de renvois, voir des mises en examen,
n’a même pas effleuré ce monomaniaque de l’expulsion aéroportée.

Voilà, nos politiques sont devenus « irresponsables, mais coupables » ! Quand le clientélisme
électoral et la démagogie populiste sont devenus leurs seuls modes de raisonnement,
ils bradent sans remords les valeurs fondatrices de notre République, ces valeurs qui nous rendaient si fiers d’être français.

Quand nous énoncerons notre fameux « liberté, égalité, fraternité », on nous jettera
à la gueule « contrôle policier au faciés, exclusion, mépris des faibles ». On l’aura
bien cherché.

Lire aussi :