Aux Etats-Unis, on pendait les voleurs de chevaux. En France, on n’a pas de chevaux, mais on a des idées.
Ce week-end, notre gouvernement était de sortie médiatique ; certainement qu’ils n’ont rien d’autre à foutre, alors nos ministres viennent nous causer dans le poste. Du coup, on a pu voir la Guigou, le Strauss-Kahn et la Voynet à la télé (la Voynet qui a fait des progrès fulgurant dans la maîtrise de la langue de bois).
Le Strauss-Kahn venait démontrer chez Field sa maîtrise de l’Internet ; Field visiblement connaissait bien le sujet aussi, c’est sans doute ce qui provoquait ces nombreux sourires entendus et cette connivence de vieux internautes.
Au passage, on peut se demander pourquoi notre ministre de l’économie a fait la publicité d’une boîte américaine (Yahoo !) plutôt que d’un Nomade national.
La Voynet nous est apparue détendue, et utilise de mieux en mieux le média télévisuel : à chaque question, elle répond simplement « gauche plurielle », et tout le monde comprend qu’elle ne peut pas dire ce qu’elle pense, mais qu’elle n’en pense pas moins (Superphénix ? Gauche plurielle ! Les transports ? Gauche plurielle ! L’Europe ? Gauche plurielle ! etc.) Face au mouvement historique des chômeurs (dont personne ne dit encore que c’est un mouvement « citoyen »), on a la gauche « plurielle ». Alors on a demandé à Strauss-Kahn comment réagit un gouvernement aux opinions multiples face à des chômeurs aux revendications elles aussi multiples. Très simple, a-t-il expliqué : tout le monde donne son avis (blah, blah, blah, mais « pluriel »), Jospin décide, et tout le monde se range à son avis ; nous voilà rassurés, c’est bien un gouvernement de gauche, pratiquant un sain centralisme démocratique.
Mais le point sur lequel ils étaient bien tous d’accord, nos trois fringants, c’était sur les voitures incendiées de Strasbourg : « intolérable » ! D’ailleurs, nous ont-ils tous récité, le mot « répression » n’est plus tabou à gauche. La Guigou se tâte pour rouvrir les maisons de redressement (qu’elle se tâte bien, et qu’elle revoit « Les 400 coups », ça peut aider). En tout cas, les jeunes ont « franchi la ligne jaune », dépassé les bornes, violé la loi et troublé l’Ordre républicain... ça fait beaucoup alors ça va chier ! Les punitions seront exemplaires, comme peut le promettre un ministre qui connaît à l’avance les verdicts d’une justice indépendante.
Là dessus, la gauche plurielle est unanime : pour barrer la route au Front national en Alsace, le gouvernement se doit d’être plus facho que Pasqua.
Dans le même temps, la justice locale accuse la police d’inefficacité. Il faut ici rappeler que, si la police est dite républicaine, la Justice, en France, n’a pas été épurée à la fin de la guerre (on avait besoin de ces magistrats collabos pour juger les autres collabos). De fait, la Justice est longtemps restée noyautée par de vieux fossiles pétainistes, et les écoles de droit cultivent toujours une saine tradition réactionnaire et conservatrice. Donc la justrice strasbourgeoise décide de montrer qu’elle, au moins, elle est efficace. Et comme le gouvernement est d’accord (pour couvrir d’éventuelles bavures judiciaires ?), les peines seront lourdes, fermes et exemplaires. Action/réaction, répression/incarcération.
Cindia, 18 ans, premier délit : huit mois ferme (sur 18 mois) pour avoir brisé les vitres d’une voiture. Pour d’autres, de 18 mois à deux ans ferme. Brûler une bagnole, c’est un crime monstrueux, surtout dans la ville fière de sa lutte contre l’extrême-droite et la pollution urbaine ! Huit mois ferme pour des vitres ! On ne peut nier que c’est exemplaire... de quoi, c’est un autre problème.
Le gendarme qui avait tué d’une balle dans la nuque Franck Moret, un automobiliste
fuyant un contrôle de gendarmerie, le 25 juillet 1993 dans la Drôme, a été relaxé par
le tribunal correctionnel de Valence en novembre dernier. C’est idiot : ce flic, il fallait le poursuivre pour dégradation de véhicule...
