Le Scarabée
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L'homme est bon. Point.

par ARNO*
mise en ligne : 18 février 1997
 

Aborder l’Autre avec confiance, c’est le premier combat contre le fascisme.

Bon, il serait peut-être temps de revenir au fond des choses, de rappeler la différence fondamentale entre le fascisme et la démocratie. Parce qu’à force de jouer avec les mots, nos politiciens sont en train de pervertir nos valeurs premières.

Alors, c’est quoi, cette différence fondamentale ? C’est pourtant simple, on l’a tous appris à l’école : la fascisme repose sur une vision pessimiste de la nature humaine, la démocratie sur une vision optimiste. Retour aux sources certes manichéen, mais tellement nécessaire. Pour les fascistes, l’homme est mauvais, ses décisions sont dangereuses pour la survie de l’espèce ; il faut donc mater, réduire, détruire son libre-arbitre, le manipuler, et surtout le dominer (la notion fondatrice de Chef). [On notera que, par un curieux transfert psychotique, le fascho ne pense pas « l’Homme est mauvais », mais « l’Autre est mauvais » ; le fascisme commence par la haine de soi-même, mais une haine toujours rejetée sur l’autre, le sous-homme (juif, arabe, parasite social, fraudeur à la sécu, mauvais français...).] Pour les démocrates, le peuple est bon, ses décisions sont justes, il faut donc l’encourager, favoriser la transmission de la culture et de la connaissance qui lui permettra de trouver les meilleurs solutions. Voilà, ce n’est pas plus compliqué que ça. Tout découle de ces deux visions opposées de la nature humaine.

Au passage, j’en profite pour répondre à quelques courriers qui m’ont mis les nerfs, car ces courriers débutaient par des jugements d’autorité que leurs auteurs croyaient admis d’office. Alors mettons les points sur les -i-. « L’Homme est un loup pour l’Homme », c’est du fascisme, et tous mes papiers disent le contraire : pour moi l’Homme est bon, et j’aborde toujours mes congénères avec confiance. « Les Français sont des assistés » relève de la même logique : cela dénote une vision totalement pessimiste de nos compatriotes, et encore une fois tous mes articles disent le contraire. C’est pourtant évident : soit les Français sont des assisités par essence (c’et bien le sens de cette affirmation), et dans ce cas ne méritent même pas d’être assistés, au mieux il faut les « dresser » et les « dominer », soit ils ne sont pas des assistés, et alors cette fameuse « assistance » (péjoratif) est la solidarité (au sens noble). Je rencontre beaucoup de monde, beaucoup de RMIstes et de chômeurs, jamais d’« assistés » ! Quant à cette sympathique institutrice qui m’écrit « Les jeunes ne savent plus lire », je crains que son raisonnement ne tombe dans la même dialectique. Pour ceux qui n’auraient toujours pas compris : l’Homme n’est pas, loin de là, un loup pour l’Homme, mes compatriotes ne sont pas des assistés (ils sont solidaires les uns des autres), et les jeunes savent lire et communiquer (et quand ils ne savent pas lire, ce n’est pas le fruit d’une volonté délibérée de leur part - tous les illétrés que je connais veulent lire et comprendre).

A partir de là, les choses sont claires : la démagogie, c’est la négation du libre-arbitre, c’est le fascisme. La culture et la pédagogie, c’est la démocratie. Le capitalisme, lorsqu’il est vu comme un moyen pour chacun de se réaliser, relève de la démocratie ; lorsqu’il est un moyen d’écraser et de dominer l’autre, lorsque la publicité utilise la manipulation et la répétition (une des bases de la manipulation), c’est le fascisme.

Alors il serait bon que notre droite parlementaire (d’accord : et notre gauche aussi) s’interroge sur sa vision de la nature humaine : lorsqu’elle présente l’étranger comme malhonnête par essence (je n’ai entendu que cela dans la bouche d’Eric Raoult, la serpillère qui nous sert de Ministre de l’Intégration), lorsqu’elle refuse le débat, lorsqu’elle donne dans la démagogie (pour l’occasion rebaptisée « pédagogie » - quelle ironie !), elle laisse tout simplement penser que, oui, l’Homme est mauvais. C’est, fondamentalement, du fascisme.

La vision de l’Homme du démocrate est à l’opposé : l’Autre est bon a priori, son contact est enrichissant, les relations humaines se basent, d’abord, sur la confiance. Dans une société où le lien social est sacrifié au nom de la compétition, la solidarité au nom d’un individualisme exacerbé par le consumérisme, l’amitié noyée dans la rivalité, conserver cette confiance en l’Autre est un combat permanent.

Le permier combat contre le fascisme.

L’Homme est bon. Point final.

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