Le Scarabée
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République Française copyright Microsoft

par ARNO*
mise en ligne : 6 février 1997
 

Quand Bill Gates s’offre les plus hautes instances de l’Etat pour promouvoir son nouveau CD-Rom.

« Ah non, pas ça... » lâchai-je en découvrant la pub pleine page pour l’exposition du Codex de Léonard de Vinci dans Libération. Le journal me tomba des mains et vint tremper dans mon fond de café ; je fis alors « Rhântudju ! », ma façon à moi de résumer « putain d’enfoiré de café de mes deux qui vient de niquer mon jean propre que je porte depuis seulement deux semaines et que les deux prochaines semaines je vais devoir le porter avec un tache ! ».

Petite digression : ce genre d’expression accompagne chez moi les moments d’extrême lassitude, immédiatement suivis d’une irrépressible propension au meurtre sauvage et collectif ; une envie que je soulage en me livrant à mon activité favorite, la désobéissance civile. Je vous livre ici quelques méthodes de guérilla urbaine, à sélectionner en fonction de votre degré d’énervement : traverser au rouge, refuser de payer ses PV, insulter copieusement depuis la fenêtre du bus un appelé du contingent, pisser dans la boîte aux lettres du centre des impôts, lâcher un glaviot dans le café d’un pilier de comptoire raciste. Oui, c’est minable, mais ça fait du bien... fin de la digression.

Alors que voit-on sur cette pub ? A gauche un portrait (très laid, d’ailleurs) de Léonard de profil ; à droite le fameux Codex, entrelardé d’une copie d’écran du également fameux CD-Rom du non moins fameux Bill Gates, le tout accompagné de boutons « Texte original », « Transcription », « Miroir » évoquant les fabuleuses possibilités multimédia du sus-cité CD-Rom. Jusque là tout va bien : on ne sait pas trop si le Musée du Luxembourg expose le Codex original ou un petit disque en plastique siglé Microsoft. Gates achète la culture pour en faire de la publicité, on a l’habitude.

Non, l’inadmissible est juste en dessous : le sigle du Sénat cotoie allègrement le logo Microsoft. Normal, le très vieux gâteux René Monory (président du Sénat) associé au très faux jeune Bill Gates, un des symboles de la démocratie française associé au symbole du libéralisme sauvage et triomphant.

Seconde digression : le Sénat n’est pas qu’un ramassis de vieux cons indéboulonnables, un chenil pour vieux politiciens en fin de carrière, c’est aussi un marché de 300 bouteilles de Champagne et de 300 bouteilles de mousseux « méthode champennoise » par mois. 600 bouteilles par mois rien que pour le roteux, je ne connais pas les chiffres pour le gros rouge. Ca écluse sec, là-dedans ! Fin de la digression.

La dernière fois qu’il a eu un truc à nous vendre, le Bill Gates (un bouquin sur les cyber-routes 66 de l’information, un machin comme ça), il a fait 7 sur 7. Faire de la publicité sur TF1, c’est normal.

Quand ils veulent se partager le monde, les « gourous technologiques planétaires » (lu dans Libé, l’éditorialiste venait de fumer un vieux numéro) se réunissent entre eux à Davos, et la France leur envoie seulement son inutile ministre de l’économie (Arthuis) pour les faire rigoler. C’est normal.

Mais là, franchement, ça devient n’importe quoi : Gates reçu comme un chef d’Etat par le président Chirac, puis par Monory, puis une publicité pour Microsoft cautionnée par le logo du Sénat, c’en est trop. Ce n’est quand même pas le rôle de la République de participer à la stratégie marketing d’un CD-Rom ! Que Chirac joue les VRP pour Airbus et les industries françaises de l’armement, passe encore, mais pas pour Microsoft ! Les géants américains de l’audio-visuel achètent au prix de gros le patrimoine culturel européen pour nous le revendre à la pièce et au prix fort, par pitié que l’Etat n’apporte pas son support à cette escroquerie !

Rhântudju !

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